L’assurance-vie est un contrat par lequel le souscripteur (l’assuré) s’engage à verser des primes de manière régulière à l’assureur ; en échange, le souscripteur désigne un ou plusieurs bénéficiaires à qui l’assureur devra verser un capital (ou une rente), en cas de décès du souscripteur ou à l’échéance du contrat.
L’assurance vie (en cas de décès) permet ainsi d’épargner au profit d’une ou de plusieurs personnes, librement choisies (qui n’hériteraient pas nécessairement selon la loi) ; elle permet d’éviter le paiement des droits de succession et de bénéficier d’une fiscalité particulièrement attractive.
Concrètement, que devient l’assurance-vie à l’ouverture de la succession du souscripteur ? Qui peut en bénéficier et à quel régime fiscal est-elle soumise ?
Depuis le 1er janvier 2016, les notaires peuvent utiliser le fichier de centralisation des contrats « FICOVIE » : il leur permet d’en connaître l’existence et de s’informer sur tous les actes établis par le défunt (les montants versés, les bénéficiaires ajoutés…). Lors de l’ouverture d’une succession, le notaire doit en effet effectuer une recherche précise de tous les contrats d’assurance-vie souscrits par le défunt, sur mandat des héritiers ou des bénéficiaires.
1. Ouverture d’une succession : l’assurance-vie en fait-elle partie ?
Les contrats d’assurance-vie ne font en principe pas partie de la succession du défunt, et ne sont donc pas soumis au paiement de droits de succession, sauf exception. La législation a évolué au fil des années et les règles concernant leur fiscalité dépendent aujourd’hui de la date de souscription des contrats, de la date de versement des primes et de l’âge du souscripteur au moment des versements.
a. L’ assurance-vie : un actif « hors succession »
L’article 132-12 du Code des assurances dispose que les sommes versées dans le cadre d’une assurance-vie au décès du souscripteur ne font pas partie de la succession du défunt : il s’agit d’un actif « hors succession ». Au moment du décès, les sommes capitalisées sont versées aux bénéficiaires de l’acte et non aux héritiers du défunt.
En principe, ces sommes échappent donc à toute taxation. Ni les primes réglées par le souscripteur, ni le capital ou les rentes perçues par le bénéficiaire n’entrent dans la succession du défunt : aucune de ces sommes n’est prise en compte dans l’actif à partager, ni dans la réduction pour atteinte à la réserve héréditaire.
Les contrats souscrits au profit du conjoint survivant ou du partenaire de Pacs échappent en totalité aux droits de succession, depuis 2014. Sont également exonérés :
– les frères et soeurs célibataires du souscripteur, âgés de plus de 50 ans ou invalides, qui résident sous le toit du souscripteur pendant les 5 années précédant sa disparition ;
– la personne invalide vivant avec le souscripteur et à sa charge fiscalement ;
– les personnes qui bénéficient de « rentes de survie » (parent handicapé) ou l’entreprise avec un contrat « homme clé » ;
– les organismes exonérés au titre de l’article 795 du CGI (code général des impôts).
b. L’exception de l’« exagération manifeste »
Une exception existe néanmoins : si le souscripteur a versé des primes « manifestement exagérées » au regard de ses facultés, le juge peut décider (sur demande des héritiers légaux en général) d’inclure une partie ou la totalité de ces primes dans l’actif successoral.
En effet, le Code civil prévoit que les enfants du défunt (ou son conjoint en l’absence de descendant) ont le droit de recevoir une partie de sa succession, de manière garantie : il s’agit de la « réserve héréditaire ». Le défunt peut uniquement disposer de la partie restante (également connue sous le nom de « quotité disponible ») pour la transmettre à d’autres personnes de son choix, via une assurance-vie par exemple.
Les magistrats examinent donc au cas par cas le caractère potentiellement exagéré des primes réglées par le souscripteur par rapport à son patrimoine, à l’aide d’un faisceau d’indices. Ils s’assurent ainsi que le contrat n’a pas été conclu uniquement pour contourner les règles du droit des successions, en prenant en compte :
– un aspect économique : ils examinent le montant des primes versées par rapport aux revenus et au patrimoine du souscripteur, au moment du versement ; les primes sont-elles supérieures au tiers de son patrimoine ? Lorsqu’elles sont réglées de manière régulière, sont-elles supérieures à ses revenus mensuels ?
– un aspect personnel : cette souscription avait-elle une utilité patrimoniale et économique pour le souscripteur, compte tenu de son âge, de sa situation familiale et de son état de santé à cette époque ? A-t-il investi dans le but d’épargner pour un projet, pour préparer sa retraite ou pour augmenter ses revenus ?
Si les primes versées sur le contrat d’assurance sont manifestement exagérées, elles sont réintégrées (en partie ou en totalité) dans l’actif de la succession, pour pouvoir être partagées entre les héritiers légaux.
2. Les bénéficiaires de l’assurance-vie
Le bénéficiaire du contrat d’assurance vie sont librement choisies par le souscripteur : il peut s’agir de son conjoint ou de ses enfants, mais également d’un tiers n’ayant aucune relation familiale avec le défunt.
a. Le libre choix du souscripteur
Le souscripteur choisit librement la personne qui bénéficiera de son assurance-vie. Elle peut être désignée directement dans le contrat (clause particulière), ou dans un testament reçu par un notaire.
Si le souscripteur préfère garder secrète l’identité du ou des bénéficiaires, il peut en effet les désigner dans un testament ; ce type de désignation lui permet par exemple de modifier le nom du bénéficiaire, sans que celui-ci ne soit au courant. L’assuré doit alors veiller à informer l’assureur de cette désignation par testament, et lui transmettre le nom du notaire qui a reçu l’acte.
La désignation peut avoir lieu à tout moment : au moment de la rédaction de l’acte ou après sa signature avec l’assureur. La mention doit être manuscrite, qu’il s’agisse d’une clause dans l’acte ou d’une désignation dans un testament.
Si le souscripteur n’a désigné aucun bénéficiaire, l’assurance-vie entre dans la succession : elle est partagée entre les personnes qui héritent légalement du souscripteur, après application des règles de droit commun concernant les successions.
Si une personne en particulier a été désignée dans l’assurance, elle reçoit le capital ou la rente au moment de la disparition du souscripteur, si elle l’accepte. Si elle refuse le bénéfice de l’assurance-vie (elle a trois mois pour prendre sa décision ou pour se manifester, après mise en demeure des personnes héritières par acte d’huissier), les sommes capitalisées entrent dans la succession de l’assuré.
b. Assurance vie : le cas particulier des époux
Lorsque les époux sont mariés sous le régime de la communauté de biens et lorsque l’un des époux tire un profit personnel des biens de la communauté, il lui doit une récompense (un dédommagement) ; les primes d’une assurance-vie réglées avec les biens communs sont soumises à ce principe.
Si le bénéficiaire désigné est le conjoint du souscripteur (marié sous le régime de la communauté de biens), les sommes perçues au moment du décès lui appartiennent (bien propre). En revanche, si le souscripteur a désigné un tiers, il doit une récompense à la communauté (qui sera prise sur son patrimoine propre à son décès).
Si l’époux non-souscripteur décède en premier, l’assurance alimentée avec les fonds communs fait partie de l’actif de la communauté et donc de l’actif de sa succession pour moitié. Depuis le 1er janvier 2016, les successeurs (les enfants en général) ne sont imposés sur cet actif qu’à la disparition du deuxième époux, c’est-à-dire du souscripteur (ils devaient avant s’acquitter de droits de succession au décès du premier époux, alors même que le contrat n’était pas encore dénoué – la doctrine « Bacquet » a été remplacée par la réponse « CIOT »).
3. La fiscalité de l’assurance-vie dans le cadre d’une succession
Lorsque le souscripteur disparaît, le capital de l’assurance vie est versé au bénéficiaire ; même s’il n’entre pas dans la succession du défunt, ce versement est en principe fiscalisé, sauf exceptions (le conjoint et le partenaire de PACS sont totalement exonérés).
Le montant de la fiscalité est calculé en fonction de :
– la date de souscription du contrat : avant ou après le 20/11/91 ;
– la date des versements des primes : avant ou après le 13/10/98 ;
– le montant des primes versées ;
– l’âge du souscripteur au moment du versement : moins de 70 ans ou plus de 70 ans.
Pour les contrats conclus avant le 20 novembre 1991, on ne tient pas compte de l’âge du souscripteur :
– versements des primes avant le 13 octobre 1998 : exonération d’impôts ;
– versement des primes après le 13 octobre 1998 : les primes sont soumises à un prélèvement de 20 % jusqu’à 700.000€, après abattement de 152.500€ par bénéficiaire (et abattement supplémentaire de 20 % pour les personnes qui bénéficient d’un contrat « vie-génération », investi à 100 % en unités de compte) / le taux de 31,25 % s’applique au-delà.
Pour les assurances contractées à partir du 20 novembre 1991, la fiscalité dépend de la date des versements et de l’âge de l’assuré :
– versements des primes avant le 13 octobre 1998 :
– avant 70 ans : exonération d’impôts ;
– après 70 ans : les versements sont intégrés à la succession après un abattement de 30.500€.
– versements des primes après le 13 octobre 1998 :
– avant 70 ans : les primes sont soumises à une imposition de 20 % jusqu’à 700.000€, après abattement de 152.500€ / le taux de 31,25 % s’applique au-delà ;
– après 70 ans : les versements sont intégrés à la succession après un abattement de 30.500€.
Les intérêts générés restent totalement exonérés d’impôts, que les versements aient eu lieu avant ou après les 70 ans du souscripteur.
4. Concrètement, comment récupérer le capital d’une assurance-vie ?
À la disparition de l’assuré, le notaire chargé de la succession doit être averti de l’existence, ou non, d’un contrat d’assurance-vie. Si les personnes qui doivent hériter légalement ne l’informent pas, il peut en principe solliciter directement l’assureur.
Lorsque le souscripteur disparaît, le contrat prend fin et les sommes dues par l’assureur doivent être versées au bénéficiaire de l’acte, sur sa propre demande. Ce dernier doit en effet contacter l’assureur pour obtenir la confirmation de sa qualité de bénéficiaire du contrat, l’assureur n’ayant aucune obligation de recherche. Si la clause renvoie à un testament, le notaire se charge d’informer l’assureur de l’identité de la ou des personnes mentionnées.
Après avoir obtenu confirmation de sa qualité de bénéficiaire du contrat, ce dernier doit transmettre à l’assureur :
– le formulaire de souscription (l’original ou une déclaration de perte sur l’honneur, le cas échéant) ;
– un extrait de l’acte de décès ;
– ses coordonnées bancaires (son RIB) ;
– une copie de sa pièce d’identité s’il est nommément désigné dans l’acte / une copie du PACS / un acte notarié qui précise sa qualité de conjoint, d’enfant, de petit-enfant / un certificat de concubinage notoire ;
– une attestation sur l’honneur qui confirme qu’il ne bénéficie d’aucune autre assurance-vie ou au contraire qui atteste qu’il a déjà bénéficié de l’abattement de 152.500 € au titre d’un autre acte (en totalité ou en partie). Le fichier FICOVIE devrait aider à éviter les éventuels oublis ;
– une attestation fiscale, qui prouve qu’il s’est acquitté des taxes éventuellement dues. Après avoir rempli le formulaire fiscal de déclaration de succession et après l’avoir déposé à la recette principale des impôts du lieu du domicile du défunt, le bénéficiaire reçoit un certificat de l’administration fiscale : un certificat de non-exigibilité ou un certificat d’acquittement des droits. Il peut également demander à l’assureur de régler directement les droits dûs en les déduisant du capital, pour ne pas avoir à les avancer.
Dès la réception par l’assureur de toutes les pièces nécessaires, le versement des sommes dues s’effectue en général dans un délai de 10 à 15 jours. Le montant versé correspond aux sommes acquises au moment de la disparition de l’assuré, après déduction des droits de succession et des avances éventuelles. L’argent est directement versé sur le compte bancaire via un virement ou réglé par l’intermédiaire d’un chèque.